Contexte
Le présent document souligne les principes directeurs et les règles de conduite qui régissent notre action avec nos partenaires et d’autres organisations. Notre souhait est de respecter l’indépendance de nos partenaires, tout en s’assurant que nos partenariats sont fidèles à notre vision, à notre mission, à nos valeurs et à nos principes.
L’éthique dans le secteur philanthropique fait l’objet de discussions depuis plusieurs années aux ÉtatsUnis. Ces discussions sont toutefois plus rares au Canada. Il existe une dynamique de pouvoir inhérente à la relation entre l’organisation de financement et l’organisation bénéficiaire dont nous devons avoir conscience au moment de communiquer et de collaborer avec des partenaires. Un article paru dans The Chronicle of Philanthropy le 13 avril 2023 soulignait quelques principes directeurs pour favoriser un discours rigoureux et respectueux entre les organisations philanthropiques. Le texte complet se trouve ici : « We Disagree on Many Things, but We Speak With One Voice in Support of Philanthropic Pluralism » (philanthropy.com). Nous avons choisi de modifier légèrement les principes afin qu’ils reflètent le contexte des organisations de financement au Canada.
Principes proposés
Voici les principes directeurs qui guideront notre conduite avec nos partenaires :
- Nous reconnaissons et nous affirmons le droit et la prérogative des fondations et des organismes de bienfaisance ou à but non lucratif d’adopter des positions publiques ou programmatiques qui correspondent à leur jugement. Même si une organisation partenaire peut remettre en question le point de vue d’une autre organisation, nous ne devrions pas questionner la légitimité d’une fondation ou d’un organisme de bienfaisance ou à but non lucratif qui adopte un point de vue particulier.
- Nous agissons comme si les fondations, les organismes de bienfaisance ou à but non lucratif et les donatrices et les donataires qui adoptent des positions avec lesquelles nous sommes en désaccord ont aussi pris l’engagement d’améliorer la société. Nous supposons que les personnes impliquées dans le secteur philanthropique ont de bonnes intentions, même si elles adoptent une approche autre que la nôtre.
- Lorsque nous contestons les activités ou le point de vue d’une organisation, nous le faisons avec des arguments de fond et nous invitons une réponse. Il se peut que les désaccords soient profonds et même fondamentaux, mais nous pensons néanmoins que les débats publics devraient reposer sur la raison et des conversations ouvertes. Nous nous opposons fermement aux pratiques comme les attaques personnelles ou ad hominem, car nous les voyons comme contre-productives pour faire avancer le savoir au sein d’une société pluraliste.
- Nous voulons gérer les désaccords de manière respectueuse. Le respect n’implique pas l’acceptation d’un point de vue ou même l’engagement envers une solution. Il reconnaît cependant notre dignité commune. Nous prenons au sérieux les questions que d’autres pourraient avoir à propos de nos points de vue, de nos positions publiques et de nos programmes. Nous pensons que la critique de ce que nous faisons représente une occasion d’apprentissage pour tout le monde.
- Nous rejetons toute tentative visant à restreindre ou à proscrire les prérogatives programmatiques des fondations, des organismes de bienfaisance ou à but non lucratif et des donatrices et des donataires, tant que l’exercice de ces dernières est conforme à la loi.
Principales considérations sur le plan de l’éthique en philanthropie
Le droit d’intervenir versus le besoin de ne pas aller trop loin
L’article « A Set of Ethical Principles Can Help Philanthropy Regain Public Trust in the Field », qui est paru dans The Chronicle of Philanthropy le 9 mars 2023, souligne le principe éthique suivant : « Respecter la dignité, la vie privée, les croyances et la culture de notre clientèle diverse, y compris les personnes que nous servons, notre personnel, nos donatrices et nos donateurs, et nos bénévoles » (traduction libre). Cela souligne l’importance de faire preuve de prudence au moment d’intervenir face à des déclarations publiques. En veillant à ne pas aller trop loin, certaines situations peuvent exiger une réponse. Ce serait par exemple le cas si un établissement que nous appuyons émettait une déclaration publique que nous jugions offensante ou préjudiciable, ou qu’il agissait d’une manière nous paraissant inappropriée.
Les guerres et les conflits internationaux viennent souvent alimenter les débats et les tensions dans les communautés. Il y a eu des cas où des organismes de bienfaisance ou à but non lucratif ont publié des déclarations en réaction à des enjeux mondiaux. Il y a aussi eu des allégations que des donatrices ou des donataires ont fait pression pour que les personnes ayant exprimé des opinions jugées controversées soient renvoyées. De telles situations mettent en évidence la nécessité de tenir compte des principes éthiques qui ont trait à l’implication des organisations de financement et au dialogue avec des partenaires.
Souplesse et dialogue
Il faut de la communication et du dialogue avant que toute autre mesure ne soit prise, et il faut faire preuve de souplesse au moment de déterminer une réaction en fonction du dialogue. Comme nous l’avons mentionné plus haut, nous devons être sensibles à la dynamique de pouvoir qui existe entre une organisation de financement et une organisation partenaire. Il est crucial de discuter de façon réfléchie, en laissant du temps pour tenir compte de tous les facteurs, pour bien évaluer la situation et pour identifier les prochaines étapes vers une réaction juste et raisonnable.
Niveau de risque et niveau de réaction
Lorsqu’une organisation partenaire ou collaboratrice agit d’une façon qui va à l’encontre de nos valeurs et de nos principes, ou qui enfreint nos règles de conduite (voir plus bas), il y a deux questions importantes que nous devons nous poser pour déterminer les mesures à prendre : 1) Quel est le niveau de risque de l’action? 2) Quel type de réaction serait approprié, autre que la communication et la collecte d’information?
Les situations impliquant un niveau de risque plus élevé ou méritant une réaction plus sérieuse pourraient devoir être présentées au conseil d’administration pour connaître leur opinion. L’existence d’une politique visant à orienter ce processus facilitera l’engagement dans des conversations potentiellement difficiles.
Règles de conduite
Des règles de conduite nous aident à déterminer à l’avance si une ligne a été franchie, pour permettre une prise en compte équitable avec les partenaires, au lieu de décider au cas par cas s’il faut intervenir, et comment le faire.
Voici des situations qui enfreindraient les règles de conduite de la Fondation McConnell :
- Des activités illégales : Les cadres juridiques en place servent de guide dans le cas d’activités illégales, par exemple de la violence ou des discours haineux. La Fondation peut examiner de telles situations et décider si elles exigent une réaction publique. Dans bien des cas, il serait judicieux d’avoir une réponse déjà prête au cas où on nous demanderait de commenter la situation.
- Des paroles offensives ou blessantes, mais qui ne représentent pas un discours de haine, dites par : a) une organisation qui compte parmi nos partenaires; b) l’équipe de direction d’une organisation qui compte parmi nos partenaires; c) une organisation dont nous sommes membres. Ce genre de paroles pourrait inclure un discours critiquant spécifiquement un groupe culturel, national ou identitaire précis, d’une façon qui n’en fait pas un discours haineux, mais qui est néanmoins blessant et discriminatoire. Au moment de réfléchir au pluralisme, nous accueillons toute une gamme d’idées et d’opinions, mais nous n’acceptons pas l’intolérance. Face à celle-ci, notre approche portera d’abord sur le dialogue en vue d’obtenir des clarifications et des renseignements qui pourront éclairer nos prochaines étapes.
- Un comportement contraire à l’éthique de la part de la direction d’une organisation partenaire. Si cela était fait intentionnellement, une mauvaise utilisation du financement, un comportement inapproprié envers du personnel ou toute autre activité qui n’est pas illégale, mais qui va à l’encontre de nos valeurs et de nos principes, et des pratiques normales dans le secteur enfreindraient nos règles de conduite.
- De fausses déclarations de la part d’une organisation : Dans le contexte de la polarisation et de la désinformation, une organisation qui publierait une fausse déclaration ne causant pas du tort au niveau du langage, mais bien au niveau du contenu, par exemple de fausses affirmations sur les changements climatiques, irait à l’encontre de nos règles de conduite si elle l’avait fait intentionnellement.
Résumé de l’approche et des étapes possibles d’engagement
Les étapes sont indiquées en ordre progressif. Pour commencer, la ou le membre du personnel qui entretient une relation avec l’organisation procède à une évaluation initiale. Le cas est ensuite présenté à l’équipe de haute direction. La ou le PDG doit informer la personne qui assume la présidence du conseil d’administration lorsqu’un processus est en cours. L’engagement du conseil est requis tel que décrit plus bas.
Niveau de risque
| Engagement du personnel
(la présidente ou le président du conseil d’administration est mis au courant) |
Risque juridique — niveau de base ou de conformité
Risque politique — faible à modéré : la situation mérite une surveillance, une collecte d’information et une discussion à des fins d’analyse Risque à la réputation — faible à modéré : le risque peut être atténué par une discussion polie – aucun ou faible engagement |
| Engagement du conseil d’administration | Risque juridique : la Fondation fait face à un risque juridique si aucune mesure n’est prise, comme obtenir des conseils juridiques
Risque politique — modéré ou plus : il y a un risque pour les activités ou les conditions d’opération de la Fondation Risque à la réputation de la direction ou de la marque qui nuit à la légitimité des efforts de la Fondation, ou qui crée une relation toxique avec l’organisation partenaire ou des collègues du secteur |
Niveau de réaction
| Engagement du personnel
(la présidente/le président du conseil d’administration est mis au courant)
|
Aucune mesure : Aucune autre mesure ne sera prise lorsqu’il existe des processus adéquats pour résoudre le problème.
Exemple : Si un membre du personnel d’une organisation a enfreint la loi, il s’agit d’un problème juridique. La Fondation peut se préparer à répondre à des questions au besoin. Communication privée pour obtenir de l’information : Cette mesure représente souvent une bonne première étape d’engagement avant d’aller plus loin. |
| Engagement du conseil d’administration | Décision de ne pas renouveler une contribution financière à la fin de celle-ci, ou de ne pas renouveler notre adhésion à une organisation : Cette mesure, bien que sensible, serait une étape appropriée si l’organisation ne clarifie pas le problème ou que celui-ci persiste.
Résiliation de la relation : Cette mesure pourrait être envisagée si la controverse était plus grande encore en ne le faisant pas. Une réaction pourrait être requise si la Fondation se fait poser des questions par le secteur, des membresde la communauté ou des journalistes. |