Réseau canadien des fiducies foncières communautaires : la propriété foncière collective pour protéger la nature abordable des logements et autonomiser les communautés
On considère de plus en plus le modèle de fiducie foncière communautaire comme un moyen d’aborder la crise du logement abordable au Canada. Celui-ci peut également avoir des répercussions positives plus vastes : une justice réparatrice pour les communautés exclues historiquement, le maintien de la culture et l’autonomisation des personnes afin qu’elles puissent s’impliquer dans les lieux où elles habitent et travaillent.
« Les fiducies foncières communautaires renvoient à un modèle de régime foncier qui met l’accent sur la propriété foncière collective, sur l’abordabilité permanente des actifs sur cette propriété, et sur les avantages pour la communauté », explique Nat Pace, le directeur du Réseau canadien des fiducies foncières communautaires (RCFFC).
Établi en 2017, le RCFCC est une organisation dirigée par ses membres qui regroupe des fiducies foncières communautaires de partout au pays. Il propose une assistance technique et se veut un centre d’information publique pour mettre sur pied et développer des fiducies foncières communautaires dans le contexte canadien. Il plaide aussi en faveur d’une meilleure compréhension de ce type de fiducie dans tous les paliers de gouvernement et au sein des organismes de financement.
En date de 2023, plus de 40 fiducies foncières communautaires étaient actives au Canada, et elles englobaient au total presque 10 000 unités résidentielles. On prévoit que ce chiffre augmentera d’au moins 24 % d’ici la fin de 2024. Ce modèle de fiducie ne se concentre pas uniquement sur le logement. En effet, il permet de détenir plusieurs types de propriété, notamment des entreprises, des espaces communautaires, des carrefours de création et des terres agricoles.
La gouvernance communautaire est centrale à la gestion des fiducies foncières communautaires. Prenons le cas de la Parkdale Neighbourhood Land Trust à Toronto : son conseil d’administration inclut des représentantes et des représentants d’organisations du quartier, des membres de la communauté de Parkdale et des personnes qui vivent sur, ou qui utilisent les terrains détenus par la fiducie.
« Le fait que ces trois groupes possédant des connaissances et des intérêts différents se réunissent pour prendre des décisions crée un équilibre », affirme Celia Wandio, une spécialiste des fiducies foncières communautaires qui travaille pour le RCFCC. « C’est un modèle de gouvernance qui est attirant pour un grand nombre de personnes qui souhaitent que leur expertise communautaire soit reconnue. »
Bien que ce modèle gagne du terrain, des obstacles demeurent. À l’échelle nationale, il faut plus de financement pour acheter des logements locatifs abordables et faciliter le renforcement des capacités organisationnelles. Il faut aussi définir officiellement les fiducies foncières communautaires dans la législation canadienne. Sur le plan municipal, de nouvelles politiques pourraient faciliter l’achat de terrains par des organisations communautaires. Les municipalités pourraient en outre mieux identifier les propriétés pouvant être vendues ou données à des fiducies foncières communautaires. « Il y a un grand besoin en matière d’éducation, mais à la lumière du nombre de courriels dans notre boîte de réception, il est évident qu’il s’agit d’un modèle qui suscite de plus en plus d’intérêt », dit M. Pace.
Accélérer le mouvement des fiducies foncières communautaires au Canada
Le RCFCC développe l’écosystème canadien des fiducies foncières communautaires, avec le soutien de la Fondation McConnell.
Au début de 2024, le RCFCC a créé une cohorte de cinq fiducies foncières communautaires canadiennes, en mettant l’accent sur les groupes dignes d’équité. Chaque fiducie ayant une portée unique, le fil conducteur de la cohorte est une forte orientation réparatrice et une capacité à préserver quelque chose qui pourrait être perdu, notamment l’abordabilité des logements, des titres fonciers historiques, une culture ou le cachet des quartiers.
Deux fiducies foncières communautaires afro-néo-écossaises se servent notamment du modèle pour protéger des titres fonciers historiques qui font partie de leur communauté depuis des siècles, même s’ils ne sont souvent pas reconnus dans les registres publics. La Toronto Chinatown Land Trust tente de son côté de protéger les logements durables et les services compétents sur le plan culturel dans un quartier qui s’embourgeoise rapidement. Plus à l’ouest, la Calgary Urban Indigenous Community Land Trust montre comment les fiducies foncières communautaires peuvent être utiles au mouvement de restitution des terres (Land Back) par le biais de son modèle de propriété foncière collective autochtone hors réserve.
Le RCFCC va offrir une assistance technique à la cohorte jusqu’en octobre 2026, notamment sous forme d’engagement communautaire, d’éducation publique, d’élaboration de budgets et de sensibilisation municipale. Les cinq fiducies pourront aussi avoir accès à du financement pour embaucher d’autres spécialistes.
Les expériences de la cohorte pourront également être communiquées à d d’autres fiducies foncières communautaires. « Il manque de savoir sur la façon dont ce genre de fiducie peut faire ces travaux novateurs et importants de manière pratique », explique Mme Wandio. « Nous voulons vraiment créer des ressources qui permettront à d’autres groupes de faire des choses similaires. »
Pace explique que la cohorte « représente une occasion formidable de changer la dynamique de pouvoir dans le paysage du logement canadien. Les fiducies foncières communautaires permettent aux gens de ne plus voir les terrains comme une simple marchandise, mais plutôt comme quelque chose qui donne vie aux communautés et qui est indispensable pour que celles-ci, et les cultures prospèrent. »