Common Wealth est une entreprise qui souhaite améliorer l’accès à la sécurité à la retraite. L’entrevue avec le co-fondateur Alex Mazer porte sur le régime de retraite Common Good, qui est en cours d’élaboration. La transcription de l’entrevue a été abrégée pour des raisons de longueur et de lisibilité.
Pouvez-vous expliquer brièvement l’ampleur du problème de sécurité financière qui touche le secteur sans but lucratif et que Common Wealth tente d’aborder?
Environ deux millions de personnes travaillent dans le secteur sans but lucratif canadien. Notre analyse indique qu’environ la moitié d’entre elles n’ont pas accès à un régime d’épargne-retraite au travail. Les Canadiennes et Canadiens qui ne possèdent pas un tel régime, en particulier les personnes à revenu modeste, ont tendance à dépendre en grande partie des programmes gouvernementaux, comme la Sécurité de la vieillesse, le Régime de pensions du Canada et le Supplément de revenu garanti. L’épargne moyenne des Canadiennes et Canadiens qui s’approchent de l’âge de la retraite et n’ont pas de pension d’une employeuse ou d’un employeur ne s’élève qu’à 3000 $.
Quels sont les éléments que vous avez mis en place pour assurer la réussite du régime de retraite Common Good?
Les gros régimes d’épargne-retraite au travail fonctionnent habituellement très bien. Le Canada compte certains des meilleurs régimes de retraite au monde. Nous essayons donc d’intégrer certains de leurs principes de conception. Toutefois, nous voulons aussi inclure des caractéristiques uniques, comme la souplesse et la transférabilité.
Les travailleuses et travailleurs du secteur sans but lucratif que nous ciblons travaillent normalement pour de petits ou moyens organismes et gagnent moins que le salaire moyen au Canada. Le secteur compte plus de femmes et de personnes de couleur, et moins d’emplois stables à temps plein. Les personnes qui font du travail à la pige et celles qui n’ont pas une relation traditionnelle avec une employeuse ou un employeur auront accès au régime. Ce dernier a été conçu précisément pour qu’elles puissent l’amener avec elles d’un emploi à l’autre. Nous voulons aussi qu’il soit simple et facile à utiliser. Des travailleuses et travailleurs du secteur sans but lucratif pourraient ne pas vouloir ou devoir faire le même genre de contributions que l’on retrouve fréquemment dans les régimes de plus grande taille. Nous voulons aussi aider les gens à conserver leurs prestations gouvernementales. En effet, nous ne voulons pas que celles-ci soient récupérées de leur épargne. C’est pourquoi nous avons bâti le régime de retraite Common Good autour du Compte d’épargne libre d’impôt (CELI), qui permet aux travailleuses et travailleurs d’obtenir le maximum pour leur argent.
Quelles mesures le gouvernement fédéral devrait-il ou pourrait-il prendre pour améliorer la sécurité à la retraite des gens qui œuvrent dans le secteur sans but lucratif canadien?
Les gouvernements ont typiquement joué un rôle important dans les pays qui ont eu du succès au moment d’aborder cet enjeu. Ils peuvent par exemple créer des structures appropriées à la mise en place de régimes d’épargne-retraite, financer la création de tels régimes ou encore, adopter des lois obligeant les employeuses et les employeurs à inscrire les personnes qui travaillent pour eux à un régime. Au Canada, nous voulons que le gouvernement devienne partenaire de ce régime pour qu’il puisse atteindre l’ampleur nécessaire et aider le plus de gens possible.
Les efforts visant à améliorer la sécurité à la retraite semblent avoir été menés par plusieurs secteurs au cours des 20 ou 30 dernières années : le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, le secteur ouvrier, les entreprises et d’autres encore. Pouvez-vous expliquer pourquoi l’innovation liée aux régimes de retraite exige une collaboration intersectorielle?
Nous avons mené une étude pour la Banque mondiale pour savoir comment les régimes de pensions canadiens sont devenus parmi les meilleurs au monde. La collaboration entre les entreprises, les travailleuses et travailleurs, les employeuses et employeurs, les organismes sans but lucratif et le gouvernement est l’une des raisons que nous avons trouvées. Nous avons tenté de reproduire certaines de ces collaborations réussies. Six fondations renommées nous appuient, aux côtés d’employeuses et d’employeurs, et de Vancity, la plus grande caisse populaire au Canada. Nous nous tournons désormais vers le gouvernement pour un partenariat, pas seulement sur le plan financier, mais aussi pour éduquer les Canadiennes et Canadiens sur l’importance de planifier leur retraite à long terme. Les syndicats sont aussi des partenaires indispensables, car ils veulent ce qu’il y a de mieux pour leurs membres.
Dans quelle mesure l’ampleur est-elle importante lorsqu’il est question de régimes de pension? Peuvent-ils être trop petits ou trop gros?
Normalement, plus le régime est gros, mieux c’est, surtout dans le cas d’une structure fiduciaire, c’est-à-dire lorsque les économies d’échelle doivent revenir aux adhérentes et adhérents du régime. Au fur et à mesure que le régime de retraite Common Good prendra de l’ampleur, les adhérentes et adhérents pourront profiter d’économies de taille.
Quelles sont les perspectives pour un grand nombre de travailleuses et travailleurs du secteur sans but lucratif choisissant d’adhérer à des régimes de retraite comme le Common Good?
L’entreprise Common Wealth existe depuis cinq ans et le régime de retraite Common Good ne représente qu’un de nos projets. Nous y travaillons depuis environ deux ans. Plus de 100 employeuses et employeurs de 12 provinces et territoires se sont engagé à y inscrire les personnes à leur emploi une fois le régime offert sur le marché. Nous pensons qu’avec de bons partenariats et un financement adéquat, nous pourrions toucher 50 000 travailleuses et travailleurs au cours des quatre ou cinq prochaines années.
La sécurité à la retraite est un enjeu pour les personnes qui œuvrent dans le secteur sans but lucratif, mais est-ce un problème répandu dans d’autres secteurs? Comment le travail à temps partiel, contractuel ou à horaires flexibles contribue-t-il à des épargnes-vie insuffisantes?
Plus de 10 millions de Canadiennes et Canadiens n’ont pas de régime d’épargne-retraite au travail. Ces gens ont pu mettre très peu d’argent de côté. Plusieurs souffrent de « pauvreté par manque d’actifs ». Ils ne parviendraient pas débourser deux ou trois mois de salaires d’un coup en cas de besoin.
Certaines des raisons qui expliquent ceci sont structurales : une hausse du coût de la vie et des salaires qui stagnent. Toutefois, nous pouvons faire certaines choses dès maintenant pour réduire les inégalités en matière de revenus et de richesse. Le monde du travail a changé. Les gens changent d’emploi plus souvent et moins de travailleuses et travailleurs ont des emplois stables et permanents. Par conséquent, les employeuses et les employeurs sont moins susceptibles d’offrir des régimes d’épargne-retraite au travail. C’est le problème que nous voulons aborder grâce au régime Common Good.